L’indemnisation des victimes de terrorisme
L’indemnisation des victimes de terrorisme
Pour être susceptible d’être qualifiée d’acte de terrorisme, il faut que l’infraction relève des conditions cumulatives suivantes :
- figurer parmi les infractions énumérées par l’article 421-1 du Code pénal qui vise notamment les atteintes volontaires à la vie ou à l’intégrité de la personne, l’enlèvement ou la séquestration, le détournement d’un moyen de transport, les vols, extorsions, dégradations ainsi que des infractions en matière d’armes et produits explosifs
- avoir été commise dans le cadre d’une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur
La qualification de l’infraction comme acte terroriste incombe aux autorités de l’État dans lequel il survient. II appartient aux autorités judiciaires, notamment au procureur de la République.
DES DROITS POUR LES VICTIMES
FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D’ACTES DE TERRORISME (FGTI)
Les victimes d’actes de terrorisme et les familles sont indemnisées par un Fonds de garantie qui les prend en charge en cas de blessure ou de décès.
Le régime d’indemnisation des victimes des actes de terrorisme trouve son origine dans la loi du 9 septembre 1986 qui donne compétence au FGTI pour fixer et régler l’indemnité aux victimes d’actes de terrorisme directement avec elles. La procédure est totalement déconnectée de la procédure pénale.
Composition
Le Fonds de Garantie est dirigé par un Conseil d’administration composé de 9 personnes :
- un président
- quatre représentants des ministères : des Finances, de la Justice, des Affaires sociales et de l’Intérieur
- un professionnel du secteur de l’assurance
- trois personnes ayant manifesté leur intérêt pour les victimes
Fonctionnement
Le Fonds de Garantie indemnise intégralement tous les préjudices subis par les victimes, indépendamment de la procédure pénale. Le FGTI est un organisme public autonome qui définit les règles d’indemnisation. Il est subrogé, au plan civil, dans les droits de la victime.
Le FGTI peut se faire rembourser des sommes versées par les auteurs responsables, dans la mesure de leur solvabilité. Les victimes conservent dans tous les cas leurs droits au plan pénal et peuvent donc porter plainte contre les auteurs d’actes de terrorisme.
Fiscalité
Les indemnisations versées par le Fonds de Garantie ainsi que les rentes d’invalidité ou d’accident du travail ne sont pas soumises à l’impôt sur le revenu.
Financement
Le financement du FGTI est assuré par une contribution de solidarité nationale prélevée sur les contrats d’assurance de biens (multirisque habitation, entreprise et automobile).
Bénéficiaires
- Toutes les victimes blessées sur le territoire français, de nationalité française, victimes à l’étranger
- Les ayants droit du ressortissant français décédé (quelle que soit la nationalité de l’ayant droit depuis la loi du 23 janvier 2006)
- Les victimes de prises d’otage : otages libérés et proches d’otages
Délais
En vertu de la loi du 21 décembre 2012, si des poursuites pénales ont été engagées, les victimes peuvent saisir le Fonds de Garantie dans un délai d’un an à compter de la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l’action publique ou sur l’action civile engagée devant la juridiction répressive.
Lorsque l’auteur de l’infraction est condamné à verser des dommages et intérêts, la juridiction doit informer la partie civile de sa possibilité de saisir le fonds et le délai d’un an ne court qu’à compter de cette information.
Procédure
Le FGTI gère directement les dossiers d’indemnisation des victimes du terrorisme. Le FGTI verse une avance dans le mois suivant la réception de la demande afin de couvrir les premiers frais. Il doit ensuite vous présenter une offre écrite d’indemnisation définitive au plus tard trois mois après la réception des justificatifs relatifs aux préjudices. Un délai de réflexion de 15 jours est accordé.
La procédure est amiable. En cas d’acceptation de l’offre, après discussion, le Fonds verse le montant proposé. En cas de désaccord, le TGI de Créteil peut être saisi.
Le Fonds de garantie verse 80% de l’offre, déduction faite des provisions déjà versées. Le règlement peut être effectué sous forme d’un capital, d’une rente ou d’une solution mixte.
Saisine du Fonds de garantie
Dès la survenance d’un acte de terrorisme commis à l’étranger, l’autorité diplomatique ou consulaire concernée à l’étranger informe le FGTI de la survenue d’un attentat et de l’identité des victimes. En cas d’acte de terrorisme commis en France, le Fonds de Garantie est informé de l’identité des victimes par le Procureur de la République. Le Fonds prend contact avec les victimes.
Si une personne s’estime victime d’un acte de terrorisme, elle peut d’adresser directement au FGTI. Cette saisine doit avoir lieu dans le délai de 10 ans à compter de la date de l’acte de terrorisme ou dans le délai d’un an à compter de la décision de la juridiction répressive.
Indépendamment de la qualification éventuellement retenue dans le cadre de la procédure pénale en cours, le Fonds porte une appréciation propre sur le caractère terroriste des faits à partir des éléments transmis par le Parquet.
En cas de désaccord, le Fonds peut-être assigné devant le Tribunal de grande instance de Créteil. S’il est finalement considéré que les faits ne peuvent être rattachés à une action terroriste mais relèvent du droit commun, vous pouvez alors prétendre au bénéfice d’une indemnisation par les Commissions d’indemnisation des victimes d’infractions pénales (CIVI).
Les victimes ou leurs ayants droit doivent adresser leur demande d’indemnisation par lettre recommandée avec accusé de réception à : Fonds de Garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions 64 rue Defrance 94682 Vincennes Cedex – France.
Dans cette lettre, un certain nombre de mentions doivent obligatoirement être indiquées. Des informations complémentaires et des formulaires sont disponibles sur le portail Internet dédié du Fonds de Garantie. Parallèlement, les organismes sociaux doivent être saisis ainsi que le ministère de la Défense (voir supra).
EN CAS DE BLESSURES
Expertises médicales
En vue de l’indemnisation, le FGTI ordonne des expertises médicales afin d’établir les préjudices subis par les victimes et d’évaluer toutes les conséquences de l’acte de terrorisme.
Lorsque l’état de santé est consolidé, c’est-à-dire stabilisé, le médecin traitant établit un certificat de consolidation qui doit être adressé au Fonds, aux organismes sociaux et au ministère de la Défense.
Particularité : l’expertise commune
L’indemnisation relève de plusieurs organismes.
Les victimes sont généralement affiliées à des organismes sociaux, d’autres relèvent du régime des accidents du travail et de trajet. Grâce au statut de victime civile de guerre, l’indemnisation des victimes dépend aussi du ministère de la Défense.
Afin d’éviter la multiplication des expertises, SOS ATTENTATS a obtenu en 1995 une procédure d’expertise unique. Ainsi :
- le Fonds de garantie
- le Ministère de la Défense
- la Sécurité sociale
désignent un expert commun dans chaque spécialité qui remet son rapport à chaque organisme qui applique ensuite son barème.
Assistance à l’expertise médicale : conseil et gratuité
Il est indispensable que les victimes
- se fassent assister par un médecin-conseil compétent selon la nature des blessures subies, spécialiste de la réparation du dommage corporel
- ce médecin doit réunir les pièces médicales avant l’expertise du Fonds
- il doit assister à toutes les expertises.
Les frais de constitution du dossier médical et d’assistance sont remboursés par le FGTI. Le médecin-conseil envoie directement ses honoraires au FGTI.
Préjudices indemnisés
Le FGTI assure une indemnisation intégrale des dommages corporels des victimes blessées : Les préjudices physiques, psychologiques et professionnels
Les experts médicaux déterminent :
- le taux et la durée du déficit fonctionnel temporaire
- le taux et la durée de l’incapacité professionnelle temporaire
- la date de consolidation
- le taux du déficit fonctionnel permanent
- le bilan de la perte d’autonomie : fréquence, durée, nature des aides nécessaires (entourage ou personne extérieure) actuelle et future
- les aides techniques : appareillages, véhicule aménagé, logement
- le préjudice scolaire ou de formation
- les soins médicaux, paramédicaux, appareillage et prothèse nécessaires après consolidation
- les cures
- les préjudices personnels
Les experts donnent leur avis sur ces préjudices :
- souffrances physiques, psychiques endurées sur une échelle de 1 à 7
- préjudice esthétique temporaire et définitif, sur une échelle de 1à7
- préjudice d’agrément (privation des activités de sport ou de loisirs)
- préjudice sexuel, libido et fertilité
- préjudice d’établissement : perte d’espoir ou de chance de réaliser un projet de vie familiale.
- préjudice exceptionnel spécifique des victimes d’actes de terrorisme
Evaluation et indemnisation des préjudices subis
Pour permettre au FGTI d’évaluer le montant des indemnités à verser, il faut lui adresser toutes les pièces justificatives relatives aux
- frais médicaux restés à charge
- pertes de gains
- modifications ou à la perte d’emploi et/ou des ressources (avis d’imposition comparatif, fiches de paie, licenciement, Assedic…)
- documents scolaires ou universitaires
- frais d’assistance (aide ménagère, garde d’enfants, aide soignante, tierce personne…)
- frais d’appareillage
- frais d’aménagement et d’adaptation du lieu de vie
- frais de déménagement
- frais de déplacement
- photographie mettant en évidence le préjudice esthétique à différents stades de l’évolution
- les vêtements et objets personnels endommagés sont remboursés sur présentation de factures et dans la limite d’un plafond.
Réouverture des dossiers d’indemnisation
Si l’état de santé d’une victime s’aggrave après l’indemnisation, le dossier peut-être rouvert sur présentation d’un certificat d’aggravation rédigé par le médecin traitant. Ce certificat doit mentionner que l’aggravation est bien liée directement aux conséquences de l’attentat.
Ce certificat doit être envoyé à la personne qui suit le dossier au Fonds de Garantie, accompagné, éventuellement, des photocopies de comptes rendus d’hospitalisation et opératoire, de radiographies, d’analyses médicales, de résultats d’examen ORL etc.
Certaines maladies, qui touchent l’ensemble de la population, peuvent difficilement être rattachées aux conséquences de l’attentat (exemple : cancer, accident cardio-vasculaire, douleurs au dos, diminution de la vision, de l’audition…).
Au vu des pièces fournies, le Fonds décidera de l’examen par un médecin expert.
La victime doit être assistée par un médecin-conseil dont les honoraires sont pris en charge par le FGTI.
EN CAS DE DECES
Indemnisation des ayants droit
Les ayants droit (conjoint, concubin, pacsé, enfants, parents, grands-parents, petits-enfants, frères et sœurs, personnes à charge peuvent obtenir une indemnisation :
- du préjudice moral ou d’affection selon le lien de parenté
- du préjudice économique, calculé à partir des revenus annuels du ménage
- la prise en charge des frais d’études
- le remboursement des frais engagés
- frais d’obsèques, frais de garde d’enfants
- frais de déplacement, etc.
Démarches
Les ayants droit doivent fournir :
- un certificat de décès
- le livret de famille
- les déclarations de revenus
- les factures de frais
- les justificatifs des prestations versées par les organismes sociaux, notamment le capital décès.
Conseils aux victimes
Cellule des impliqués : Si vous êtes présents sur les lieux sans avoir subi de dommages apparents, n’oubliez pas de vous faire enregistrer par les personnes en charge de la « cellule des impliqués » et de laisser vos coordonnées postales et téléphoniques.
Suivi psychologique : Après un attentat, n’hésitez pas à consulter votre médecin traitant qui pourra vous orienter vers des structures de suivi psychologique. Si vous êtres pris en charge par une Cellule Médico-Psychologique d’Urgence, suivez les conseils des intervenants et assurez-vous qu’un suivi sera effectué après leur intervention.
En cas de blessures : Dès les premières constations médicales par les établissements de santé, les médecins généralistes ou spécialistes, exigez que vous soient délivrés des certificats médicaux initiaux qui décrivent vos blessures physiques ou psychologiques, les comptes rendus opératoires et la communication des résultats de tous les examens subis (radios, audiogrammes, bilans sanguins, etc.). Ces certificats vous permettront de pouvoir ultérieurement faire valoir vos droits.
La juste indemnisation des victimes blessées dépend des résultats d’expertises médicales. Ces expertises permettent de déterminer les préjudices subis.
En cas d’explosion (blast) : Un examen immédiat des oreilles est indispensable même si les lésions ne sont pas apparentes. Cet examen doit permettre une meilleure prise en charge thérapeutique, une évaluation initiale du dommage et un moindre retentissement psychologique.
En cas de fumées ou de vapeurs toxiques : veillez à subir un examen pulmonaire.
Photos : Lorsque vous avez des cicatrices importantes sur le corps et sur le visage, n’hésitez pas à faire prendre des photos que vous pourrez présenter aux médecins chargés de vous expertiser. Elles seront utiles pour évaluer vos souffrances endurées et votre préjudice esthétique.
Bilan du fonctionnement du FGTI, juin 2014
Depuis sa création, le FGTI a indemnisé près de 4 000 victimes et familles pour 750 actes de terrorisme. La loi du 6 juillet 1990 a élargi la compétence du FGTI aux victimes d’autres infractions pénales de droit commun. Plus de 277 000 dossiers ont ainsi été ouverts et traités.
Les dommages matériels sont indemnisés par les compagnies d’assurance. Pour les actes de terrorisme commis en France, les compagnies d’assurances ne peuvent pas inscrire de clauses d’exclusion dans les contrats d’assurances de biens (habitation, entreprise, automobile, etc.).
LE STATUT DE VICTIME CIVILE DE GUERRE
Le terrorisme : une guerre en temps de paix
La loi du 23 janvier 1990 (JO 25 janvier 1990) dans son article 26 étend le bénéfice des dispositions du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre applicable aux victimes civiles de guerre aux victimes d’actes de terrorisme commis depuis le 1er janvier 1982.
Les victimes du terrorisme sont assimilées dans leurs droits à des victimes civiles de guerre. C’est la reconnaissance que le terrorisme est une guerre en temps de paix. Les victimes d’actes de terrorisme :
- bénéficient des droits et avantages accordés aux victimes civiles de guerre par le Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre et notamment du droit à pension de victime civile.
- relèvent du ministère de la Défense
- ont la qualité de ressortissantes de l’Office National des Anciens Combattants (ONAC)
Les blessés
Toutes les victimes d’actes de terrorisme commis à partir de 1982 peuvent bénéficier des droits accessoires liés à ce statut si le taux d’invalidité est égal ou supérieur à 10% :
- gratuité des soins et des appareillages
- exonération du ticket modérateur et du forfait hospitalier
- emplois réservés
- carte d’invalidité
- dans certaines conditions, une pension spécifique
- fiscalité : à partir de 40 % d’invalidité, le quotient familial de l’impôt sur le revenu est augmenté d’une demi-part
- réduction tarifaire à la SNCF, à la RATP…
- délivrance d’une carte de stationnement prioritaire sous conditions.
Pour obtenir ce statut, il faut adresser la demande de pension par courrier au ministère de la Défense. C’est l’ouverture d’un dossier par le FGTI qui permet l’ouverture des droits attachés à ce statut.
Les droits prennent effet au jour de la demande. Il est donc important de le faire le plus rapidement possible, sans attendre le résultat des expertises.
Les victimes bénéficient ainsi de l’action sociale et de l’assistance administrative mise en œuvre par les 100 services départementaux de l’ONAC.
Le statut de Pupille de la Nation
Bénéficiaires
- les orphelins de moins de 21 ans dont le père ou la mère est décédé suite à un acte de terrorisme, à condition que les parents soient de nationalité française
- les enfants de moins de 21 ans eux-mêmes victimes d’un acte de terrorisme
- les enfants de moins de 21 ans dont le père ou la mère est indemnisé par le Fonds de Garantie des actes de terrorisme, sous certaines conditions
- les enfants des victimes nés dans les 300 jours après un acte de terrorisme.
L’adoption par la Nation est prononcée par jugement du Tribunal de Grande Instance du domicile du demandeur. Le statut de pupille de la Nation permet :
- d’obtenir des subventions d’entretien, d’études, de vacances, des aides sociales…
- l’exonération des droits de scolarité
Le statut de veuf et veuve de guerre
Depuis la loi de finances pour 2006 (article 124), les époux, concubins, compagnons, bénéficient des mêmes droits que les veuves. La demande de pension de veuf ou veuve de guerre doit être adressée au ministère de la Défense.
Le droit à pension prend effet au lendemain du jour du décès et tient compte des sommes versées par le Fonds de Garantie et la Sécurité sociale. Ce droit permet l’affiliation au régime général de la Sécurité sociale.
Patronage de l’ONAC
L’Office National des Anciens Combattants (ONAC) :
- accompagne les procédures d’adoption par la Nation
- relaie les demandes de pension
- organise l’aide à la réinsertion professionnelle et seconde les victimes dans les démarches de tout ordre
- accorde des secours financiers
- propose des places dans ses écoles de rééducation professionnelle et dans ses maisons de retraite